REGLEMENT DU TISSAGE DE HAUT-DU-THEM, EN 1862
Art.
1 : La journée des ouvriers et le prix de façon des
produits sont fixés au gré des chefs de
l'établissement suivant les circonstances.
Art. 2 : Tout
ouvrier entrant dans l'établissement doit être muni d'un
livret portant l'acquit de ses engagements. L'ouvrier apprenti n'est
pas soumis à exhibition d'un livret s'il n'a pas
été attaché au service d'une autre maison ; au
bout d'un mois d'essai, il lui en sera délivré un
à ses frais, et à partir de ce moment, il est
attaché à l'établissement et
considéré en général comme les anciens
ouvriers.
Art. 3 :
L'ouvrier qui voudra quitter l'établissement devra
prévenir sa sortie le samedi précédant la paie ;
il aura encore quatre semaines à y rester après cette
dénonciation. Le chef remplira la même formalité
à l'égard de l'ouvrier qu'il voudra renvoyer. Le chef
aura toutefois le droit de congédier immédiatement et
sans avertissement tout ouvrier lorsque sa mauvaise conduite, son
mauvais travail, ou toute autre circonstance grave pourra être de
nature à motiver son éloignement.
Art. 4 : Tout
ouvrier entré dans l'établissement sera libre de quitter
pendant la première huitaine qui est considérée
comme temps d'essai, par contre le chef aura le même droit
à l'égard de l'ouvrier et pendant le même temps.
Art. 5 : Les
entrées et sorties des ouvriers sont déterminées
par le son de la cloche. Dix minutes après l'heure de
rentrée, les retardataires pourront être punis d'une
amende de 0,25 F et plus s'il y a plus longtemps.
Art. 6 : Il n'y
aura de suspension de travail que les dimanches et jours
fériés ; aucun ouvrier ne pourra se dispenser de venir
à son travail qu'en cas de maladie constatée ou de force
majeure ; et dans l'un et l'autre cas, les contremaîtres devront
en être prévenus. Toute autre absence sera
considérée comme inconduite et punie comme telle.
Art. 7 :
L'ouvrier absent ou en retard d'une ou deux heures sans permission sera
passible d'une amende de 0,2 F à 0,5 F et pour un jour entier
l'amende pourra être portée à 1,2 F. Dans ce
dernier cas le chef aura le droit de placer un ouvrier de relai sur les
métiers de l'absent, lequel paiera ce relai, et alors le travail
fait reviendra au titulaire. Les amendes pour absences sans permission,
les lundis et lendemains de fêtes reconnus seront portés
au double de celles des autres jours.
Art. 8 : Dans
l'intérêt du bon ordre qui doit régner dans
l'établissement, il est expressément défendu aux
ouvriers sous peine d'une amende de 0,2 F à 3 F à fixer
selon le cas, et en rapport avec la gravité du délit :
1. De venir à leur travail dans un état d'ivresse, et de causer du trouble dans l'atelier.
2. D'entrer ou bien faire entrer des boissons spiritueuses dans l'établissement.
3. De quitter
leur place pendant le travail et de se rendre dans une autre salle que
la leur dans le but de s'y amuser et de distraire les autres ouvriers.
4. De fumer, manier des allumettes chimiques, allumer et éteindre leurs quinquets.
5. De siffler, crier ou chanter dans les ateliers.
6. De se
quereller dans les salles et surtout d'en venir aux voies de fait. Dans
ce dernier cas la punition serait rigoureusement appliquée.
Art. 9 : Il est
interdit aux ouvriers d'introduire aucune personne
étrangère dans l'établissement sans la permission
du chef.
Art. 10 : Il est
enjoint aux tisseurs d'éviter les défauts dans les toiles
: ils constituent une perte sensible pour le chef. Toutes les
pièces seront vérifiées et celles qui seront
défectueuses ou mal soignées en général
subiront un rabais proportionnel à la mauvaise confection de la
marchandise. Il sera aussi procédé à un examen
minutieux de l'emploi de la trame. Les ouvriers devront apporter le
plus grand scrupule dans l'usage des marchandises qui leur sont
confiées.
Art. 11 : Les
ouvriers convaincus d'avoir jeté des canettes de coton ou autres
marchandises appartenant au chef, dans les lieux d'aisance ou autres
endroits de l'établissement, seront passibles d'une amende de 1
F à 10 F selon l'importance, et pourront être
renvoyés sur le champ. Ceux qui auront endommagé des
canettes ou soustrait frauduleusement quelqu'objet que ce soit,
subiront une amende proportionnée à la perte et seront
poursuivis selon les lois de police des manufactures.
Art. 12 : Aucun
ouvrier ne pourra quitter l'établissement pendant le travail
et sous n'importe quel prétexte, sans la permission du
chef ou contremaître sans être passible d'amende.
Art. 13 : Tout
ouvrier qui se servira pour entrer ou sortir de l'établissement
de toute autre voie que celle de la porte sera punissable et selon les
circonstances renvoyé et même poursuivi judiciairement
s'il y a lieu.
Art. 14 : Si par
mauvais vouloir ou dans le but de causer du désordre, l'ouvrier
venait à briser sa machine, perdre de la marchandise, il serait
exposé à payer le dégât commis et au besoin
à être poursuivi judiciairement.
Art. 15 : Il est
défendu aux ouvriers de faire subir aucun changement à
leurs métiers sous peine d'une amende à fixer selon le
cas ; les contremaîtres étant présents devront en
être prévenus aussitôt que quelque chose se
dérangera dans leurs machines.
Art. 16 : Les
ouvriers doivent obéissance aux chefs de l'établissement
et aux contremaîtres en tout ce qu'ils leur commandent
relativement au travail et à la police intérieure ; ceux
qui les outrageront, leur désobéiront ou
répondront grossièrement seront passibles d'amende avec
augmentation, s'il y a récidive. Ils pourront même
être renvoyés de suite si le chef le juge convenable.
Art. 17 : Il est
accordé chaque jour cinq minutes avant la sortie du dîner
pour enlever le duvet, les fils qui s'enveloppent autour des
engrenages, nettoyer les boîtes de battant qui devront
l'être de nouveau et avec beaucoup de soin le soir avant de
quitter pour éviter que la navette entraîne avec elle des
fils et du duvet tachés de cambouis.
Art. 18 : En
retour de la protection et des soins paternels que tous les ouvriers
doivent attendre de leurs chefs, ils promettent attachement et
fidélité ainsi que révélation de tout ce
qui pourrait parvenir à leur connaissance de contraire à
l'ordre et à l'intérêt du chef.
Art. 19 :
L'ouvrier devra se soumettre à toutes les autres mesures d'ordre
intérieur de la fabrique qui ne peuvent pas être
prévues et que le chef se réserve de prescrire en temps
et lieu.
Art. 20 : Le
présent règlement qui sera affiché à
l'entrée du tissage est établi pour tous les ouvriers
sans exception, tous doivent s'y soumettre et s'y conformer dans
l'intérêt du bon ordre qui doit régner dans
l’établissement et se considérer dès leur
entrée comme en ayant pris pleine connaissance. Une copie est
déposée chez M. le Juge de Paix du canton, une autre chez
M. le Commissaire de Police et enfin une autre au greffe du tribunal
civil du ressort.
Haut-du-Them, le 1er janvier 1862 (ADHS, 339 E suppl.35)